Les Grecs en Russie: Autochtones et Immigres dans le Bassin de la Mer Noire

Les Grecs en Russie: Autochtones et Immigres dans le Bassin de la Mer Noire

Dascalopoulou, Sophie (Prof. Émér) – Vernicos, Nicolas (Prof. Émér), Université de l’Egée (Mytilène):

Citer comme: Sofia Dascalopoulou, S., & Vernicos, N. (2016). Les Grecs en Russie: Autochtones et Immigres dans le Bassin de la Mer Noire. Archive, 12, pp. 29–50. DOI:10.5281/zenodo.4493817, ARK:/13960/t9f583j3x

Περίληψη
Ο Εύξεινος Πόντος από τους αρχαίους χρόνους υπήρξε, για τους Έλληνες, θάλασσα για τη ναυσιπλοΐα, το εμπόριο προϊόντων διατροφής και πρώτων υλών. Προς τις ακτές του κινήθηκαν διαδοχικά κύματα μεταναστεύσεων, που οδήγησαν στη δημιουργία ενός δικτύου παράκτιων αποικιών στη λεκάνη του Πόντου, όπου οι άποικοι συνυπήρξαν με τους άλλους παραποτάμους λαούς. Αυτή η προνομιακή κατάσταση συνεχίστηκε στους ρωμαϊκούς χρόνους και μέχρι τις εισβολές των διαφόρων βαρβαρικών λαών που αναστάτωσαν την ενδοχώρα, αλλά άφησαν στους Βυζαντινούς της Κωνσταντινούπολης και της Τραπεζούντας τον έλεγχο της θάλασσας και του εμπορίου, ακόμη και όταν οι Σκανδιναβοί τολμούσαν εκεί μέχρι στο Αιγαίο Πέλαγος. Ήταν οι Γενουάτες που, με την είσοδο τους στη Μαύρη Θάλασσα, μετά το 1204, τροποποίησαν αυτό το έντονα εξελληνισμένο τοπίο, που κατέληξε να ενσωματωθεί στην Οθωμανική αυτοκρατορία.

1. L’ Hellénisme du Pont Euxin.
Connue sous le nom de Pont Euxin, la mer Noire a depuis l’antiquité constitue, pour les Grecs, le « pontos » (i.e. la mer) par excellence pour la navigation, le commerce des produits alimentaires et des matières premières. C’était aussi vers ses rivages que se dirigèrent des vagues de migrations successives qui ont conduit à la création d’un réseau de colonies côtières qui hellénisèrent le bassin pontique ou les colons coexistaient avec les peuples riverains.

Cette situation privilégiée continua à l’époque romaine et jusqu’aux invasions des différents peuples barbares qui bouleversèrent l’hinterland mais laissèrent aux Byzantins de Constantinople et de Trébizonde la maîtrise de la mer et du commerce, même quand les Scandinaves s’y aventuraient jusque dans la mer Egée. Ce sont les Génois qui en s’introduisant dans le trafic de la Mer Noire, après 1204, modifièrent ce paysage fortement hellénisé que les Ottomans avec les peuples Turco-tatares finirent, sur la longue durée historique, par l’intégrer dans leurs empires.

Sous le règne des Sultans les échanges entre Constantinople et la cote nord – des bouches du Dniestr à celles du Don dans l’Azov – se poursuivirent. C’est aussi par la Crimée que les marchands Constantinopolitains allaient et venaient en Colchide (des cotes de Georgie aux abords de Trébizonde) en empruntant un parcours triangulaire pour apporter céréales, poissons, produits d’élevage, fourrures et surtout esclaves (1.)

Avec la conquête Russe des cotes nord du bassin pontique, à la fin du 18e siècle, l’espace de la mer Noire se restructura. Moscou s’appliqua à organiser et à coloniser les territoires de la « Nouvelle Russie », l’Ukraine côtière, la Crimée, l’Azov et le Kouban, en y construisant des villes et en faisant appel à des colons. Le commerce prit une dimension internationale tandis que les cotes de la mer Noire acquirent une valeur géopolitique qu’elles avaient perdue depuis près de trois siècles; preuve, la guerre de Crimee 1854-55. La première guerre mondiale et la Révolution d’Octobre acheva de consolider la présence Russe – sous ses formes soviétique et socialiste – mais elle arrêta un commerce qui, entre temps, s’était considérablement industrialise (houille, fer, textiles, chimie.)

Sur les rives sud de la mer Noire, dans le Pont ottoman, c’est par l’échange de populations de 1926 que se terminèrent les guerres opposant la Grèce à la jeune république turque. Un génocide y avait, auparavant, réduit la présence arménienne.

Depuis, on ne parla plus de Grecs et d’hellénisme dans le bassin pontique, même si Panaϊt Istrati les avait rencontres en 1926. Aucun ouvrage ne mentionne leur présence en territoire soviétique et dans le Caucase. Or, depuis la Perestroïka et, surtout, depuis la disparition de l’Union soviétique, quelques centaines de milliers de personnes se sont « soudain » manifestées pour réclamer le statut et l’identité de Grecs, ce qui leur donne – en principe – accès à la nationaliste hellénique et leur permet de s’installer, de plein droit, dans l’un des pays de l’Union européenne.

 2. Les denominations ethniques
En manifestant, ainsi sa présence, ce monde d’origine grecque, devient objet d’étude parce qu’il pose toute une série de problèmes politiques, économiques et humains. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé nécessaire d’amorcer une vaste recherche sur l’Hellénisme de la Russie, dont ce travail n’est qu’une introduction. La première question que nous nous sommes poses, est de savoir qui sont ces gens et quel nom il convient de leur donner. S’agit-il de «Pontiques», parce qu’ils vivent autour du Pont Euxin, ou bien, faut-il parler de «Grecs de la Russie»?

Pour les statistiques russes et géorgiennes il s’agit de « Grecs » ou de «Berdzuli», termes qui s’appliquent aussi bien aux Grecs de la République Hellénique qu’à ceux de l’Antiquité. Comme les personnes recensées sous cette dénomination ethnique ne sont pas toujours des hellénophones, c’est probablement la manière dont ils se désignent eux-mêmes (ou le qualificatif ethnique que leur attribue la communauté dans laquelle ils vivent) qui a été prise en compte.

Arrivés en Grèce, l’homme de la rue et les media les nomment Pontioi, Rossopontioi, Hellinorossoi (Πόντιοι, Ρωσοπόντιοι, Ελληνορώσοι) ou, tout simplement, Rossoi. Eux mêmes, ils s’affirment Hellènes (Grecs) et ajoutent venir de « Russie », en évitant de préciser l’origine géographique de leur provenance. Or, nous savons fort bien que l’utilisation du nom ethnique Hellène (Έλληνας) chez les Grecs de l’Union Soviétique et de la Turquie est récente et remplace celle de Romios[1]. Par contre, les qualificatifs utilisés en Grèce ont leur raison d’être et datent parfois du siècle dernier. Ainsi, le terme Helléno-rossos est le calque du qualificatif «Grécorossos» (Rosso ipikoos, ρωσοϋπήκοος, i.e. citoyen russe)[2] (3) qui s’applique à des Grecs de la Grèce ou de l’Asie Mineure, qui ont été naturalisés russes, ou qui sont nés de parents déjà naturalises.

L’ethnique «Pontios» (Πόντιος) a également, au départ, un sens très précis et il implique une origine géographique – le Pont – ainsi que l’usage ou la connaissance du parler pontique. Ce territoire d’origine s’étend sur la bande littorale de l’Asie Mineure, des abords de Sinope à la cote Mingrélienne en Colchide. Vers le sud, le Pont englobe les vallées des confluents du Yésil, de la ville d’Amasya à Sebin Karahisar (Mavrokastro) sur le Kelkit, pour suivre la chaîne Pontique de Gumus Hane (Argyroupolis) jusqu’à la frontière Géorgienne en Adjarie.

Or, les Pontiques (que les auteurs Anglais appellent souvent Pontians) manifestèrent, des la fin du 18e siècle, une forte mobilité et ils passèrent, en grand nombre, dans les territoires nouvellement acquis par la Russie, à Kars et Ardakhan et, surtout, dans la zone dite du Caucase, qui va de Batum et Tbilissi à Anapa, Ekaterinodar et Stavropol au Kouban. Ceux qui prirent la citoyenneté russe se distinguèrent des autres Pontioi par le terme «Rosso-Pontioi». Ajoutons que tout semble indiquer que la composante principale de l’Hellénisme actuel de la Russie, de l’Ukraine et du Caucase est issue des descendants des Grecs Pontiques.

Il existe, cependant, un troisième noyau de Grecs autochtones originaires de la Tauride (Crimée) et de la mer de Tanaϊs (Azov), qui furent installes vers 1790 dans Marioupol et dans une vingtaine de villages voisins. Nous les appellerons Marioupolites ou Grecs de Marioupol et nous les examinerons dans ce qui suit en détail.

Signalons enfin qu’une partie de ces Grecs ou Romioi de la mer Noire avaient depuis un nombre de générations perdu l’usage du Grec.

Parmi eux figurent des Pontiques extrêmes orientaux, jadis installes dans les districts de Kars et d’Ardakhan, ainsi que ceux qui vivent toujours dans les villages de Tsalka et qui parlaient ou parlent le turc anatolien ou azéri. Ce sont ceux que l’on nommait, parfois en Grèce, Karamanlis ou que l’on qualifie, en Macédoine de l’Est, de Gagaouzes, d’après le nom des turcophones chrétiens de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Moldavie. Outre ces «tiurko-jazitsnie Greki Gryzii», il y avait aussi des Grecs arménophones ou Chaichoroum[3] (4) et, surtout, des Grecs tatarophones que l’on rencontre encore nombreux à Marioupol et en Crimée, sous le nom de Ouroum ou «Bazariotes»[4]. Quant aux recensements soviétiques, ils laissent croire que la majorité des «Greki» sont bilingues et parlent le russe en première langue (a 60% du total). On peut facilement constater de nos jours, sur les marchés et les foires de la Grèce, l’importance de l’usage de la langue russe parmi ces gens.

Pontiques, Marioupolites, Grécorusses ou Russopontiques de l’Ukraine, de l’Azov, du Kouban, de la Georgie n’étaient pas les seuls Grecs à vivre sur le pourtour de la mer Noire. On se souviendra, en effet, que vers 1914 Constantinople contenait une communauté hellénique aussi importante que celle qui habitait à Athènes. Selon le Patriarcat de Constantinople, les Romioi (Ρωμιοί, Grecs) de la Thrace et des sandjak de la Propondide et de la Bithynie s’élevaient à près de 675.000 personnes, contre 600.000 Gréco-orthodoxes des provinces ottomanes du Pont (Skaliéris, 1922). Aussi, nous évaluons que le nombre de Grecs de la mer Noire atteignait 1,8 millions, contre 4,6 millions de personnes vivant à l’intérieur des frontières actuelles de l’état hellénique; chiffre qui représentait à l’époque le 25% de l’ethnie.

Si les guerres, les changements de frontières, les échanges de populations et les déportations du 20ème siècle eurent raison de la présence organique de l’hellénisme du Pont Euxin, le fait qu’une «ethnie grecque» ait pu survivre en Union Soviétique est un fait remarquable. Essayons, donc, d’aborder son étude en commençant par une énumération de ses composantes.

3. Les Grecs de «toutes les Russies»
Nous pensons pouvoir affirmer qu’au début du vingtième siècle, époque de leur apogée, les communautés grecques, qui vivaient à l’intérieur des frontières russes, étaient formées d’un mélange de trois peuplements:

1- Les « Grek » ou Roum de Marioupol, de la Crimée et d’Azov (y compris les communautés tatarophones des Urum – Ουρούμοι);

2- Les Romioi ou Ouroum de Géorgie, Arménie et du Caucase, qui font partie du corps des Grecs du Pont, lequel s’est déplacé vers l’est pendant le 19e siècle.

3- Les Grecs originaires des Balkans et des Archipels, dont un large pourcentage vivaient mélangés avec les Pontiques dans les villages et les centres urbains et constituait, probablement, le noyau de ceux qui opéraient avant 1918 en Sibérie. Grecs et Pontiques formaient aussi les importantes communautés qui se sont installées dans le Kouban, des côtes à Stavropol et jusqu’en pays Tchétchène.

Il y avait, cependant, en Russie des restes de vieilles communautés marchandes et religieuses datant du 17e et, peut-être même, du 16e siècle. Le manque d’information et d’études portant sur le début des temps modernes rend leur connaissance malaisée. Nous devrons attendre les études en cours faites en Russie et en Ukraine pour en savoir plus.

Dans ce qui suit nous allons examiner avec plus de détails les Grecs de Marioupol – en essayant de mettre en relief leur profondeur historique – les Pontiques de la Georgie, ainsi que les autres communautés grecques en territoire russe, au moment de la prise du pouvoir par les Soviets. On trouvera en Annexe des tableaux statistiques portant sur ces peuplements, qui nous ont permis de dresser des cartes.

Α. LES ROUMEOI DE LA TAURIDE [KRIM RUM]
1. Les Grecs de Crimée du 12ème au 18ème siècles
Lors de l’avance de la Russie vers le sud qui aboutit à l’annexion de la Crimée (la péninsule de la Tauride), les autorités russes ont eu à tenir compte de l’existence d’une présence orthodoxe hellénophone, ainsi que de communautés chrétiennes tatarophones qui se considéraient « Roum » ou « Roumeoi ». Il s’agissait d’une population autochtone dont les brèves chroniques du Synaxarium de Chalki, rééditées par Nystazopoulou, ainsi que les documents génois, nous donnent un bref aperçu de leur vie du XIIIe au XVIe siècles, sous la domination tatare et génoise. Fait intéressant, une petite principauté byzantine autonome à Mangup (Dory-Theodorou) avait survécu à Byzance et à Trébizonde. Elle fut ainsi la dernière entité politique greco-byzantine restée indépendante, un demi-siècle après la chute de Constantinople. Selon les sources russes Mangup aurait tenu pendant près de trois mois le siège ottoman et fut finalement prise à l’aide des canons qui ouvrirent une brèche dans ses murailles.

La vie de ces Grecs cultivateurs, viticulteurs, bergers, pêcheurs ou membres du petit peuple des bourgs et commerçants se poursuivit ainsi durant les XVIe et XVIIe siècles, sous la domination des Tatares de Crimée et des Ottomans de Kefe (Kaffa). Leurs églises dépendaient de Constantinople et l’évêché, où les évêchés, de Crimée sont indiques comme faisant partie de l’Eparchie de Zikkhia. Nos sources mentionnent plusieurs ressorts épiscopaux, dont le siège de Gotthie[5] (6). Vers 1566 une décision du Patriarche Metrophanes III, dote le Sakellarios de Kaffa (Καφφά) dénomme Ioannes (Ιωάννης), de dix villages peuplés de «Romains» orthodoxes qui faisaient partie du ressort de l’archevêque de «Sougdéa et Foullon»[6]. Mais Kalfoglou (1910:104) et Karidis (1986: 65), parlent d’un évêque de Kaffa qui pourrait être ce même Ioannes.

Au siècle suivant, après l’épiscopat de Parthenios (1631-1642) et vers 1660, Constantinople rattache Kaffa au diocèse d’Amasya dans le Pont occidental. Nous savons que le Sultan avait le contrôle direct de Kaffa (Kefe), des ports de Kozlov, de Taman (sur le détroit de Kertch du cote du Kouban) et du fort d’Azov (Azak) à l’embouchure du Don. A son tour, de ce fait, le Patriarche de Constantinople avait également de plein droit, l’administration directe des orthodoxes de ces villes. Mais cette coupure ne dura que jusqu’en 1678, époque à laquelle tous les orthodoxes de la Crimée ont été unis sous le sceptre épiscopal de l’évêque de Gothia, Méthodios (1673-1680). Nous disposons, depuis cette date, de la liste complète des prélats de la péninsule et ce jusqu’a l’époque du dernier évêque, Ignace Gozadino (Kozatinov).

Au mois de Juillet 1672, le chevalier Chardin arrive à Kaffa et décrit une ville de quatre mille maisons (près de 18.000 habitants), dont 800 étaient arméniennes et grecques (Chardin I: 34) et nous laisse entrevoir une communauté de Grecs indigènes, forte de près de 1.200 personnes.

Peu de choses sont connues sur les années qui suivent, mais au milieu du 18ème siècle, en 1759, un jeune de 14 ans, Eustathios, est décapité en martyre par les «Turcs» de Kaffa. Il sera inhumé dans l’église de Notre Dame et son tombeau décoré par Parthénios Métaxopoulos. Parthénios, sacré évêque de Trébizonde, rapportera, plus tard, l’évènement[7]. Ces faits confirment les liens qui existaient entre la Crimée et le Pont et laissent entrevoir un certain renouveau du christianisme vers 1750.

 2. L’exode de 1778
Avec le déroulement du temps nous arrivons, ainsi, aux abords de la guerre de 1768-1774. Avec le traite de Kutchuk Kaïnardji, la Russie détache la Crimée, déjà envahie par ses armées, de la Porte en la rendant indépendante. Mais, en même temps, elle provoque l’exode de ses populations chrétiennes, grecques et arméniennes, afin d’affaiblir les Tatars et de se procurer des colons pour ses marches sud.

Pour ce qui est du détail des évènements, il est dit que le 22 avril 1778, jour de Pacques à Bachtche Serai, dans le monastère Uspenski ou se trouvait l’icône miraculeuse des Orthodoxes de la Crimée, l’évêque Ignatios Gozadinos[8]  a invité les Grecs de la Crimée à le suivre en émigrant en Russie. L’année suivante (1779), sous l’autorise du général D. Souvorov, Marioupol et les 24 villages grecs sont fondés.

L’Okroug de Marioupol sera maintenu jusqu’en 1859. Plus tard, sous le régime soviétique, deux éphémères régions autonomes grecques verront le jour dans ces terres du Donesk (cf. carte IV) pour être rapidement abolies, Marioupol prenant le nom de Zdanov.

Bien qu’il reste à établir les causes et les étapes de cet exode, Ignace et son frère Jean ayant probablement opte de se placer sous la juridiction ecclésiastique russe – tout comme le fit Eugène Voulgaris – les Grecs de Crimée s’établirent définitivement dans le Priazovie, au sud de Donesk, sur les terres qui leur avaient été concédées. Nous savons cependant que, peu de temps après, lors de l’annexion de la Tauride par Moscou, certains parmi eux retournèrent en Crimée, comme se fut le cas du village d’Aoutka (Pallas II:172). Mais l’essentiel de ce qui restait des «Romeoi» de la Crimée vivaient désormais sur les bords de la mer Azov, où ils introduisirent l’élevage d’ovins et l’horticulture. Près de cinquante villages, et les quartiers romaïques de sept villes de la Crimée, se vidèrent de leur habitants[9] (10). Une quinzaine d’années plus tard, Pallas décrit la situation des villages et les jardins abandonnés.

Le chiffre exact des émigrants reste à établir, le recensement de 1793 [voir Annexe] chiffre les habitants des villages de Marioupol à 13.879 individus. Selon Bode (1975:34), les populations qui ont quitté la Crimée pour aller vivre sur le pourtour de l’Azov, s’élevaient en 1778, à 31.098 personnes; Parmi eux 18.300 Grecs avec 108 popes (cf. aussi Anerbach, p. 82).

3. Mariupol en 1793 d’après Pallas
Selon Pallas, Marioupol où, comme elle était dénommée dans l’ukase d’établissement, Marianopol, avait été construite en même temps que le bourg de Nakhtshivanl, les Arméniens et les Grecs des montagnes et des côtes de la Crimée ayant quitté la Tauride pour s’installer en terre Russe. Les marchands et les artisans s’établirent dans les nouvelles villes, tandis que «les districts adjacents ont été donnés aux pasteurs, qui les habitent maintenant: leur territoire est remarquablement fertile, mais il est complètement démuni de bois. Cette ville (de Marioupol) consiste de deux églises et de trois cent cinq habitations, essentiellement construites en pierre, elle a aussi une bonne place de marché, dotée d’étales en bois. Les maisons sont construites dans le style grec avec des toits en saillie.» (Pallas 1855, I:512-513)

L’auteur donne, ensuite, la liste des villages des Grecs de la Crimée (Krym Rum), en notant que «les nouveaux villages coloniaux sont pour, la plupart, situés sur les berges de la rivière Kalmius et de ses affluents: plusieurs ont été bâtis près de la côte, et presque tous prirent le nom du village de la Tauride que les colons habitaient précédemment (Pallas 1855, I:513).

statistics

Comme nous voyons selon cette énumération, l’ensemble de la population s’élève à 6.456 hommes et 5.652 femmes, soit 13.879 individus formant 2.792 ménages (maisons). On trouvera en Annexe un premier traitement statistique de cette population.

La moyenne par foyer est de 4,97 personnes, avec des maxima dans les gros bourgs de Marioupol et de Karakuba, de 5,82 et 5,19.

La sex ratio s’élève à 112.5 hommes pour 100 femmes dans l’ensemble, mais avec de forts écarts, allant de 158.6 dans la Grande Yenisala à 93 au bourg de Laspi, et 100.8 dans la ville de Mariupol. Par comparaison, nous avons calculé que la sex ratio de la population de Bahce Serai (5.732 personnes) était, à la même époque, 111,4, si nous ne tenons pas compte des séminaristes religieux, qui devaient être, normalement, célibataires (Pallas II:28).

Les moyennes par maison (foyers) de ces populations de la Crimée et leur taux de masculinité correspondent assez bien à ce que nous avons trouve lors de nos recherches ailleurs en Grèce. C’est là probablement la structure démographique de l’Empire ottoman à la fin du 18ème siècle.

Sur ces Marioupolites, qui ont leur dialecte propre quand ils parlent le grec, mais qui sont assez souvent tatarophones, nous avons des informations assez disparates. En 1786 (?), année de la mort de l’évêque Ignatios, le Patriarche de Moscou crée l’évêché de Théodosia (Kaffa-Feodosija) et de Marioupolis, dont le siège épiscopal était au départ dans la ville de Kaffa, puis à Stari Krym. Mais en 1799, l’évêché sera dissout et l’évêque Christoforos Soulimas transféré à Kharkov. Fait important pour l’histoire religieuse et morale de la Grèce moderne, Eugène Voulgaris est à cette époque archevêque de Kherson et de Slavinie (1775); Il s’emploie à consolider l’emprise ecclésiastique de Moscou sur les terres du Sud.

Vers 1816-18, Jean Capodistria, premier chef d’état de la Grèce, alors ministre du Czar, aide les Grecs de Mariupol à résoudre certains de leurs problèmes fonciers et il finance un effort d’enseignement du grec (Vovolinis A:16). Entre-temps, une forte immigration avait recrée un peuplement hellénique sur l’ensemble de cotes nord de la mer Noire. Une notice datant de 1840, nous apprend que le monastère de Saint George de Balouclava (Balaklava) maintenait des rapports avec le monastère de Soumelà et son higoumène Paϊsios. (Pakhomios – codex XX 38, f. 250)

Cependant, force est de constater que les sources occultent la présence de ce noyau de Grecs indigènes dans les régions de Tauride et de l’Azov. Cela pourrait être du à trois causes: la première serait une attitude de classe, ces gens étant en fait des moujiks qui, de part leur statut social, ne pouvait voter et participer à la gestion des communautés; une seconde pourrait être liée au fait qu’un nombre considérable de ces Rouméoi étaient des turcophones, devenus par la suite russophones, ce qui cree des problèmes de communication et d’idéologie avec les autres Grecs. Enfin, comme la Tauride se rattachait aux grands empires Turco-tatares iranisant – dont une partie importante du commerce extérieur passait par le Don – la Crimée échappait, en réalité, à l’emprise du Patriarche de Constantinople.

L’histoire des Grecs de Marioupol ou pour être plus exact des Krim Roum, reste à faire. Leurs communautés, déportées assez tôt vers Arkhangelsk et la Sibérie, puis vers l’Asie Centrale, se sont mélangées au cours des deux siècles avec d’autres immigrants Grecs, et par des mariages mixtes. Il y aurait actuellement une population de l’ordre de plus de 100.000 «Greki» dans l’ensemble du Donesk et de l’Ukraine.

Selon le recensement de 1989, leur nombre officiel était 98.269; 18.269 avaient le grec comme langue maternelle, 2.303 l’ukrainien et 77.717 le russe, dont 18,5% comprenait le grec[10].

4. Noblesse Byzantine à Bahce Serai et Grecs du “Bosphore Cimmerien”
En examinant bien les textes de l’époque nous constatons que si la majorité des Grecs de la Crimée quittèrent leurs terres ancestrales, outre ceux qui demandèrent à revenir, certains y restèrent aussi bien dans les centres urbains que dans les villages que la Russie repeupla avec des colons venus de la Grèce, comme nous verrons plus bas. Mais ce sont, surtout, Kertch et Yenikale, les clefs du détroit Cimmérien, qui conservèrent leur ancien peuplement Grec évalué à 450 et 350 personnes respectivement (Pallas II:284, 286).

De même, le monastère de Saint-Georges de Balaklava (Balouklava), ancien sanctuaire des navigateurs et des pêcheurs de la mer Noire, reprit son rôle de centre spirituel de la péninsule. C’est, cependant, en décrivant la capitale des Tatars que Pallas nous rapporte un fait inattendu:

«Il y avait – nous dit-il – dans la ville [Bahce Serai] une église appartenant aux Grecs, une autre aux Arméniens; (et) deux synagogues (..). Le nombre d’habitations de la ville s’élève à 1.561; l’ensemble de la population eétant composée de 3.166 males et 2.610 femmes. Dans ce calcul nous avons inclu, 204 Grecs des deux sexes; parmi lesquels se trouvent quatorze d’extraction noble et 42 marchands; Il y avait en plus, 51 Arméniens, 1.162 Juifs, dont 420 sont enregistrés comme marchands; et près de 3.000 Tatars, dont vingt nobles, 237 marchands, 173 religieux et 78 séminaristes, étudiants en théologie (Pallas II:28, notre traduction).

L’existence d’une telle «noblesse» d’origine gréco-byzantine, échue dans la cour des Tatars, n’est pas connue des généalogistes et des spécialistes des familles nobles (i.e. Stourza). Elle renforce, cependant, le caractère autochtone des Rouméoi de Crimée.

 5. Autochtonéité des “Krim Roum”
Dans ce que nous venons de dire, nous avons essayé de situer cet Hellénisme de la Tauride dans le temps et dans son contexte géographique en rappelant son existence, afin d’établir son autochtonéïté.

Nous considérons comme «autochtones» des populations qui ont pu maintenir pendant les dix à douze derniers siècles (de 800 à 1990) une conscience de leur «identité ethnique» (ethnic identity) ainsi qu’une présence physique dans des territoires d’une même aire géographique.

Ceci ne signifie nullement qu’en partant de cette notion d’autochtonéïté, on peut être fondé à faire des jugements de valeur implicites.

De même, qu’il n’est pas question de refuser la légitimité de la présence dans un lieu, de colonies de peuplement plus récentes. Et c’est, en effet, de leur autochtonéïté que les Krim Tatars sont en train de se prévaloir depuis 1992[11] [12]. Il nous semble, par contre, nécessaire dans le contexte des «visions du monde» (Weltbilt) post-modernes (fortement teintées par des touches du naturalisme de l’«ottocento» européen) de plaider pour que l’on offre aux gens du pays la possibilité d’y rester, en leur fournissant les moyens matériels et politiques de ce choix.

La continuité du lien entre un terroir et une communauté, qui fait souvent la richesse des pays de l’Europe, du Japon et de plusieurs autres contrees du monde, n’a pas toujours pu être préservée dans les pays riverains de la mer Noire. Il y a eu, par contre, consolidation de nombreux foyers nationaux – et tribaux – dans les zones refuges (du Caucase et des grandes steppes), ainsi que dans certaines enclaves privilégiées, aussi bien en milieux péri-urbains, que le long des grands axes de communications terrestres, fluviales et maritimes.

Les discontinuités dans le peuplement, ainsi que les refoulements dans les zones de refuge, sont le résultat des guerres et des raids incessants qui ravagèrent – dans les temps modernes -les marches des empires Ottoman, Perse, Russe, Austro-Hongrois. Toutes ces péripéties militaires étaient, trop souvent, accompagnées par des déportations massives de nations considérées hostiles, et remplacées par des colons, ainsi que par des «échanges de population» effectués, au cours du 20ème siècle, dans le cadre d’accords internationaux de nettoyage ethnique. Ces faits sont à l’origine d’une certaine fluidité démographique dans une partie importante de la mer Noire et des Balkans.

Comme plusieurs parmi ces grandes mutations sont fort récentes, elles ne datent que de deux à cinq générations, les «petites» nations, que ce soit dans l’aire de la Mer Noire ou ailleurs dans le monde, baignent dans un sentiment d’insécurité et développent des agressivités nationalistes outrancières.

Β. LES PONTIQUES DE LA GEORGIE
1. 150.000 Berdzebi (Grecs) Géorgiens
La communauté grecque de Géorgie (en géorgien: Berdzebi Sakartvelosi) est essentiellement une communauté pontique avec une importante paysannerie turcophone concentré dans la région de Tsalka. Des immigrants venus de Thrace et de Grèce se sont amalgamés aux gens du pays surtout dans les centres urbains et les grands ports de la Colchide. C’est aussi en traversant la Géorgie, le Caucase ou en remontant la cote que, les Pontiques pénétrèrent dans le Kouban où ils sont toujours assez nombreux à y vivre.

Faire l’histoire de l’hellénisme de la Georgie et de l’Arménie c’est répéter celle de la progression de la Russie vers le sud et celle des guerres russo-turques qui, à chaque fois, déclenchaient des exodes de chrétiens. Aujourd’hui, près de 150.000 Grecs vivent en Georgie et il en reste encore des communautés en Arménie (Erevan, Alaberti). Ces chiffres datent cependant d’avant la guerre civile géorgienne qui a fortement affecté une minorité qui s’est maintenant dotée de têtes de ponts et d’un important réseau d’accueil en Grèce.

Vieux pays orthodoxe, lie à la culture byzantine, la Géorgie était, sous la dynastie des Bagration, favorable aux Grecs. Si la présence hellénique y est très ancienne, ce sont, certainement, les influences byzantines qui forment la toile de fond des relations culturelles qui existent entre les Pontiques et les Georgiens. Aussi, les différents auteurs se plaisent à rappeler les migrations datant de l’époque de la chute de Constantinople et de Trébizonde. C’est, cependant, après 1806, époque des persécutions des chrétiens du Pont déclenchées par les derembeys, que s’affirment des installations massives de Pontiques en Arménie et en Géorgie. Nous pouvons également dater d’importantes migrations après la guerre de Crimée et vers la fin du 19ème siècle.

La dernière datant des années 1916-1922, lorsque Grecs et Turcs kémalistes combattaient en Anatolie et la Russie léniniste abandonnait ses provinces Caucasiennes, à la suite du traité de Brest-Litovsk. Après une courte résistance militaire sur les cotes des éphémères républiques du Caucase (Arménie, Géorgie), près d’un demi millions de Pontiques prirent le chemin de l’exode définitif. Plusieurs parmi eux traversèrent les montagnes et s’embarquèrent sur des navires grecs pour aller en Grèce. D’autres s’unirent à des parents et restèrent dans le Caucase et dans la région du Kouban.

Si nous avons choisi de distinguer ces Pontiques des autres qui ont essaimé les autres provinces de la Nouvelle Russie, c’est que les Grecs «Géorgiens», tout comme ceux des deux sandjak de Kars et d’Ardakhan, vivaient dans des territoires contigus à ceux du Pont. Le relief, le climat et l’écologie étant semblables à ceux de leurs terres d’origine, ils avaient pu maintenir, dans une large mesure, leur mode de vie et leur authenticité pontique. Ce que nous avons pu constater sur place, à Tetri-Ckaro, en 1990.

2. Déportations et punition collective de l’ethnie.
Comme l’histoire de la Grèce du 20ème siècle est une histoire de déracinements, nous avons jugé préférable dans cette présentation de mettre l’accent sur l’originalité de la présence de l’ethnie grecque en Russie. Il ne reste pas moins que les déportations que subirent ces gens sous le régime soviétique ont ébranle leur attachement au pays et leur foi dans le futur des états de la C.E.I. Dans notre cas, on se souviendra que Staline et Beria étaient géorgiens. Ils avaient une connaissance directe des populations qui habitaient leur pays, d’où l’application d’une politique de morcellement de la Transcaucasie en une multitude de territoires d’ethnies minoritaires, qui est la source principale des conflits qui sévissent dans cette région du monde.

Les déportations de 1944 et, surtout, celles de 1949, que nos informateurs à Tbilissi imputent à Souslov, ne peuvent être considérées comme étant de simples faits «bureaucratiques» ou comme une réaction, plus ou moins aveugle, aux événements de la guerre civile en Grèce. (Tout comme les massacres des pontiques par les kémalistes, les déportations des Grecs par les Soviétiques pourraient être considérées comme étant des crimes contre l’humanité.)

Nous avons, pour notre part, constaté que le sentiment d’injustice couve profondément chez des gens qui ne parlent que de voyages en Grèce. Signalons, également, que lors d’une récente enquête linguistique dans les villages de Tsalka, la présence de chercheurs venus de Moscou, provoqua une explosion de rumeurs qui voulaient faire croire aux paysans turcophones qu’une nouvelle déportation pourrait être à l’étude. Nous avons pu vérifier ces faits sur place. Nous craignons que le futur de la communauté grecque de Géorgie soit mis en question, de même que restent en suspens les questions concernant les causes et les responsabilités des déportations et des punitions ethniques que trop de silences ont couvertes jusqu’à présent.

 3. Le recensement de 1979
Les autorités de Tbilissi, qui appliquaient, bien entendu, les consignes de Moscou sur les déportations, fournissaient des informations censitaires sur l’ethnie grecque. Nous savons, ainsi, qu’il y avait 54 mille Grecs se déclarant comme tels en Georgie en 1936, 85 mille en 1937, puis ce chiffre tomba à 73 mille quelques années après les dernières déportations; 89 mille en 1970, 95 mille en 1979.

Aujourd’hui, on pense que les Grecs (Berdzuli, en géorgien), qui vivent un peu partout en Géorgie, ont atteint le chiffre de 150.000. La communauté de Tbilissi, compterait plus de 30.000 personnes, et se renforce par l’exode rural et l’insécurité qui règne dans le pays. Une autre communauté s’est développée dans le centre industriel proche de la capitale à Roustavi et dans le district de Marneuli (trois localités), tandis que se maintiennent les deux importants noyaux ruraux de Calka (Tsalka) et de Tetri-Ckaro.

A Tetri Ckaro, au sud-ouest de Tbilissi, se trouvent des villages que l’on visite facilement, dont Grande et Petite Iraga (Didi Iraga et Patara Iraga), Ivanovka, Ftelen et Kharaba. Quant au rayon de Calka (Tsalka), il contient 27 villages avec une population de l’ordre de 31.000 habitants turcophones [tiurko-jazitsnie Greki], sauf dans quatre villages. On trouve également des villageois Grecs à Cikhisdzvari, au nord de Borzomi, ainsi que dans sept localités du district de Dmanisi. Des communautés grecques vivent sur les cotes, en Adjarie (Batoumi, Kobuleti) et, bien entendu, à Sokhoum ainsi que dans le reste de l’Abkhazie (Gulripsi, Gudauta). Les Grecs de ces dernières ont souffert de la guerre civile des années précédentes et nombreux sont ceux qui se trouvent maintenant en Grèce. Par contre, la vieille communauté de Poti à disparue.

Pendant une enquête sur le terrain, nous avons pu établir que l’un des villages, Iraga de Tetri Ckaro, qui portait jadis le nom de Miraga Sekitli (Iraga < Miraga), avait été fondé en 1856-1858 par des Pontiques venant de la vallée de Santa en Turquie. D’autres immigrants s’y installèrent vers 1870, venant de Larakhan (Larakhani) de Trébizonde, dont la famille Hadzieta.

A Ivanovka, parmi les anciennes familles figurent les Topouzidis, Kharatzidis (Haratsiev), Islamidis, Naoumidis (Naoumov), Pilidis (fondateurs de l’église du village en 15.4.1910), Foundoukidis, Peanidis et Papounidis.

Cette commune qui a l’allure urbaine et son habitat est marqué par les signes extérieures du niveau social des propriètaires, avait, semble-t-il, atteint sa maturité économique et son meilleur degré d’insertion sociale au début du 20ème siècle et jusqu’à la révolution d’Octobre[12] (13).

Pour se donner les moyens d’étudier, en détail, le développement des communautés grecques dans les territoires de la Géorgie et du Caucase au 20ème siècle, il sera nécessaire d’utiliser les recensements russes et, puis, soviétiques. Or, les problèmes de politique intérieure du régime défunt, la Grande Guerre «Patriotique», ainsi que les déportations systématiques et marquées par un souci de dispersion des noyaux familiaux des ethnies qualifiées de «koulak» ou de «collabos», avaient rendu «malaisée» la consultation des chiffres régionaux des recensements.

Cependant, et grâce à nos collègues, les hellénistes de Géorgie qui ont publié en langue géorgienne, nous disposons aujourd’hui de données analytiques provenant du recensement de 1979, et concernant les localités et la population grecque Pontique de Géorgie. C’est à partir de la transcription et du traitement de ces informations que nous avons pu dresser des cartogrammes, qui montrent la distribution spatiale de l’hellénisme en Georgie, tel qu’il se présente après la fin des «déplacements» de population.

Nous présentons donc ici, en Annexe, les principaux tableaux du recensement de la population grecque de 1979 et des localités dans lesquelles ils résidaient. A croire les chercheurs géorgiens, le fort taux d’urbanisation de l’ethnie – 51,3 % en 1979 – c’est considérablement renforce après 1985. La communauté grecque, comme nous venons de le dire, accroît ses effectifs de près de 58% en dix ans, passant de 95.000 à 150.000, et le nombre des résidents Grecs de Tbilissi double, passant de 16.000 en 1979 à plus de 32.000 en 1989.

Cette évolution marquée correspond à une période de transition car l’augmentation du nombre de Grecs dans la Communauté des Etats Indépendants (CEI) résulte autant de l’évolution politique que de la croissance démographique. Plusieurs Grecs déportés retournent de l’Asie Centrale en Géorgie et au Kouban. D’autres jugent les temps propices pour déclarer leur identité ethnique, identité qui leur permettrait éventuellement de demander la nationalité hellénique et le «rapatriement».

Notons, cependant, la jeunesse du peuplement Grec recensé en Georgie en 1979: 40% dans les classes d’age 0-19 ans, contre 31% en Grèce (selon le recensement de 1981); 10.2% pour les personnes âgées de 60 ans et plus (contre 16.94% en Grèce). Le poids relatif de la population adulte de 20-59 ans étant dans les deux pays sensiblement la même: 49.8% en Georgie (1979), 52.06% en Grèce (1981). Les premières enquêtes ; datant du milieu des années 1990, portant sur les Grecs de la Russie installés en Grèce confirment la relative jeunesse de l’ethnie.

C. COLONIES GRECQUES ET PONTIQUES: Les Immigrés.
Nous daterons les migrations modernes vers les régions de la Nouvelle Russie à partir de 1774 (date du traite de Kutchuk Kainardji qui mit fin à la guerre russo-turque de 1768-1774 ) et de 1775. C’est, effectivement, au lendemain de cette paix que commença une vague migratoire, que nous connaissons mal, et laquelle, en trente ans, mit en place la plupart de nouvelles colonies Grecques dans les terres des «Russies». Ce courant migratoire a été alimenté aussi bien par des Pontiques que par de nombreux Grecs des Balkans, des Archipels et des régions égéennes de l’Anatolie.

On notera qu’à cette époque le Péloponnèse subissait encore les contre-coups de la révolte dite d’Orloff (1768) et que de 1799 au traité de Tilsit (1807) les îles Ioniennes étaient sous tutelle russe. Durant cette période, comme la flotte russe se trouvait en permanence dans la mer Egée, les Grecs avaient pratiquement un accès direct vers la Russie, dont les agents faisaient appel aux paysans chrétiens, les «rayas», de venir s’installer sur les terres nouvellement conquises. Les autorités finançaient leur installation en argent, en semences et en animaux de trait (Bryer). En fait, les Grecs se sont vus systématiquement sollicités à aller faire fortune dans le Sud russe, à l’exemple d’illustres prédécesseurs. Cela dura tout au long du 19ème siècle et jusqu’aux événements de 1905; Après quoi se sont les Etats Unis et l’Australie qui prirent la relève en accueillants près de 8% des classes d’âge actives de la Grèce.

1. Les colonies militaires
Un ukase impérial datant du 28 mars 1775 décréta que les Grecs pouvaient venir s’installer dans le gouvernorat d’Azov et fonder des quartiers dans les villes de Kertch, Yenikale, Tanganrog. L’octroi était accompagne de nombreux privilèges dont une exemption fiscale de trente ans et des droits de propriété. Plus de 1.000 familles répondirent immédiatement et reçurent des aides pour s’y installer. C’est d’ailleurs, de cette année que date la fondation de la communauté grecque de Taganrog. Quatre ans plus tard, en août 1779, un régiment de près de 1.000 hommes fut organise en bataillons. Il ne dura que deux ans, car ses effectifs servirent à la création de colonies militaires dont celle de Balaklava (N.Terentsieva-V. Smolia 1995)[13].

C’est cette colonie, dirigée par le colonel Grégorio Chapone, que nous décrivent Pallas et Lady Craven, qui confirment, par ailleurs, que ces immigrés Grecs venaient de l’Archipel. C’est très probablement dans leur ressort que se situe, désormais, le sanctuaire de Saint George qui connaissait alors une renaissance. Ces colons étaient les soldats du régiment Albanais, accompagnés des membres de leurs familles.

Remarquons que le terme «Albanais» n’est pas un qualificatif ethnique mais, tout comme ceux de Zouave et de Dragon, il s’applique d’une manière générique à certains corps d’infanterie, formes de mercenaires récrutés parmi les chrétiens de la Turquie. Des régiments Albanais furent utilises aussi bien par les Italiens, que par la France (Chasseurs d’Orient) (Bode 1975).

«[A Balaklava], une ville grecque moderne a été construite près du port […]. Ce quartier, ainsi que le pays environnant allant jusqu’aux berges de Buyuk Usehen, qui comprend les villages de Kadikoi, Karani, Kanara et Alssu (d’où ont été éloignées les familles tatares) ont été octroyées pour l’établissement du régiment d’Albanais, réduit à un bataillon. Ainsi Balaklava a été complètement transformé en devenant une ville grecque.» [Pallas II:130]. Et l’auteur poursuit:

«Ce régiment n’est pas incorpore dans l’armée régulière: il a été surtout formé de Grecs, qui étaient au service de la Russie, dans l’Archipel. Ils s’occupent maintenant de l’agriculture et de la pêche, mais ce sont avant tout, des petits commerçants ambulants, qui tiennent de petites boutiques dans les villes de la Crimée. Ils sont ainsi disperses dans tout le pays, car ont leur accordent volontiers des permis d’absence» (Pallas II:131).

Dans une liste détaillée qui suit, Pallas (II: 343) fournit quelques chiffres sur les colonies militaires de la Crimée en 1793:

– Personnes appartenant au régiment grec: 1.165 hommes, 586 femmes;
– Colons installés par la noblesse: 1.987 hommes 1.672 femmes;

Maria Guthrie (1795-6), quant à elle, parle du climat insalubre de Balaklava, du miasme des marches putrides, qui auraient décimé les colons grecs de l’Archipel du régiment albanais, installés dans la région (voir Lettre 33), en réduisant leur nombre de 3,000 à 1,500.

Nous n’avons pas le moyen de juger ces informations car, comme nous venons de le voir, le recensement de 1793, donne un chiffre total de 1.751 personnes. Nous avons néanmoins l’information d’une épidémie de peste, mais nous venons de lire que ces soldats, qui étaient deux fois plus nombreux que leurs femmes, s’égayaient dans la péninsule pour faire du petit commerce, qu’alimentaient probablement des produits importés par les marins et les navires venant de la Méditerranée.

 2. L’afflux d’émigrants.
Pendant que ces colonies militaires s’installaient, Catherine II construisait des villes dans les nouvelles provinces du Sud. Partout, des Grecs affluent. Ainsi, à titre indicatif, rappelons que la ville de Kherson, bâtie à l’embouchure du Dniepr et terminée en trois ans (1782-85), avait des le début une communauté grecque, dotée de l’église de Sainte-Sophie[14]. De même, Odessa qui, peu après sa fondation, comptait, en 1795, 224 Grecs, voit leur nombre passer à 25.000 en 1814. Quarante ans plus tard en 1856, ils étaient, selon Papoulidis, 100.000[15] (15). Chiffre énorme lequel, s’il se confirme, ferait à cette date d’Odessa la plus grande ville de l’Hellénisme, mais il indiquerait, en même temps, que les peuplements urbains grecs étaient instables.

Fait important, les communautés grecques sont souvent coiffées d’une classe supérieure qui comporte, outre de riches marchands «évergètes», une petite noblesse d’épée qui avait servi sous les armées de la Tzarine, ainsi que des familles liées aux hospodars des Principautés danubiennes. Ajoutons, également, la présence de personnalités telles Eugène Voulgaris et Nicéphore Théotokis, à la tête d’évêchés qui étaient maintenant sous la juridiction du patriarche de Moscou.

Encore une fois nous manquons d’informations directes sur la politique de Moscou vis à viss de l’Hellénisme Romaïque des contrées riveraines du Pont Euxin, ainsi que sur les intérêts que l’Angleterre pouvait avoir dans cette région. Il ne reste pas moins que dans l’extrait qui suit, Lady Craven s’adresse indirectement aux Constantinopolitains des classes supérieures et les invite à émigrer en Russie:

«[…] Nous allons maintenant nous tourner vers les Grecs, qui sont ici aussi nombreux que les Turcs […]. Leur esprit patriotique semble, en ces temps, entièrement centre sur un attachement violent à rester sur les bords du Canal [le Bosphore…]. Ils cachent, autant que se peut, leurs richesses, mais le Sérail a de bons espions, et ces misérables sont complètement prisonniers de leurs propres maisons, de par une juste crainte. Il se peut que pour eux, la vue du Bosphore soit une compensation suffisante pour la perte de tout autre plaisir; Etrange engouement quand il existe un autre empire dont la religion est la même que la leur, où ils auraient trouvé protection, et dans lequel ils pourraient se retirer avec fortunes.» (Craven: 238, notre traduction).

Les deux passages mériteraient une analyse critique dans le contexte de l’époque, en ces années 1785-1790, tout en tenant compte de la perception que pouvait avoir Lady Craven de son environnement social. Nous choisissons, cependant, d’attirer l’attention sur la dimension politique et «idéologique» de la réflexion selon laquelle les Grecs de Constantinople devraient émigrer en Russie. Nous savons, en effet, que dans les années qui suivirent, Moscou a mis en œuvre une politique de colonisation des régions de la mer Noire par des Grecs du Pont, de la Thrace et de l’Archipel. Le Patriarche de Constantinople, pour sa part, menaça d’excommunication tous ceux qui émigreraient. On se souviendra, par ailleurs que les provinces roumaines adjacentes, étaient, en ces temps, gouvernées par des Princes Phanariotes et portaient les marques de leur influence culturelle.

 3. Du 19ème au 20ème siècles.
Depuis, et tout le long du 19ème siècle, les premières colonies d’immigres Grecs seront régulièrement alimentées de nouvelles arrivées de Pontiques, de «Micrasiatiques» (i.e. habitants de la Cappadoce, de la Cilicie et d’autres régions de l’Anatolie) et de Grecs des Balkans, de la Grèce et des îles, dont notamment du Dodécanèse. A chaque fois les confrontations russo-turques, la guerre de Crimée (1854-56), donnaient de nouvelles impulsions aux mouvements migratoires, que justifiaient les possibilités d’enrichissement et la sécurité des personnes et des biens qu’offrait la Russie[16].

Des lors, rien de plus normal que de voir les correspondants de la revue Logios Ermis et, plus tard, les visiteurs des années 1894-1906 (Karakalos, Kazazis) fournir des détails sur ces communautés, qui subissaient, nous-dit-on l’attirance de la culture russe et se russifiaient. Ce qui était déjà un fait courant en 1810. Ainsi – à croire l’association des Grecs de la Russie qui pendant cinquante ans essayait de fonctionner à Athènes – au moment de la révolution d’Octobre la Russie comptait environ 645.000 personnes d’origine grecque. Nombreux parmi eux étaient citoyens de la Grèce, car il faut se souvenir que c’était alors l’époque de la plus grande expansion territoriale de la Grèce moderne, sous le gouvernement de Venizélos.

Les campagnes contre les Bolcheviks, avec les Allies occupant les côtes pour appuyer l’armée Blanche dirigée par Dénékin (à laquelle se sont jointes des unités grecques), sont autant de faits qui vont durement toucher cet hellénisme russe, centré surtout sur le pourtour de la mer Noire. Les dédommagements revendiqués s’élevaient à près de 25 millions de livres-or (souverains) d’Angleterre, ce qui représente un capital de l’ordre de 2,5 milliards de dollars USA ou l’équivalent en euros (à 5 francs de 1994-5).

Contrairement aux migrations du début et du milieu du 20ème siècle, la contribution des communautés «romaïques» (aussi bien grecques que pontiques) au peuplement des pays chrétiens bordant la mer Noire est malaisée à suivre. Les indices que nous disposons pour calculer la ponction subie par le corps central de l’ethnie grecque, indiquent qu’elle fut considérable, bien que peu importante à l’échelle de la Russie, qui a vu la population de ses territoires passer de 12,5 millions en 1725 à 30 millions en 1794. Aussi, l’Hellénisme tout en élargissant son espace d’activité dans des zones qui furent jadis hellénisées, était en train de créer une diaspora avec une base démographique restreinte et un faible taux de croissance naturelle. Nous savons que cette dispersion se poursuivit pour atteindre son maximum après le milieu du 20ème siècle (1960-1970), au prix d’une rétraction de l’espace central de l’Hellénisme à l’intérieur des frontières de l’état nation et dans la partie sud de Chypre.

On notera que le grand tournant dans la région de la mer Noire – la sortie de la Russie et de l’Ukraine sur la mer – date de deux siècles. Ce qui correspond en gros, aux bicentenaires de la révolution française et de la fondation des Etats-Unis d’Amérique. Ce bicentenaire est également celui des dernières années du long règne de K’ien-Long en Chine, qui a mis fin aux incursions des Turcs et des Mongols et permit aussi bien l’intégration du Sin Kiang à la Chine que l’entrée de la Russie dans la région d’Ili (où se trouve l’actuelle la ville de Alma Ata). Ce qui n’a pas du manque d’être ressenti comme un nouveau revers du monde Turco-mongol et Turco-persan qui était, d’ailleurs, en train de perdre le contrôle des Indes et du commerce de longue distance au profit de l’Angleterre. Evènements que l’on est mieux placé pour comprendre quand on se situe dans le Caucase et sur la Volga.

Or, c’est durant ces deux siècles que se sont affirmes les grands mouvements nationalistes et que la plupart des ethnies modernes ont pu se constituer des foyers nationaux, à la suite des révolutions nationales ou des résurgences (risorgimenti) du 18ème siècle Ce qui s’est traduit, dans la région de la mer Noire, par la création des états nations des Bulgares, des Roumains ainsi que par la consolidation de districts à dominante mono-ethnique, peuplés par des Georgiens, Arméniens, Azéris, et par d’autres ethnies du Caucase.

C’est également pendant cette époque que Russes, Ottomans, et aussi, plus loin, Austro-hongrois essayent de se constituer en Empires pouvant aspirer à participer à l’époque moderne. Mais aucun des trois ne réussira, à temps, sa Révolution de Meiji (Meiji-ishin) et ceci malgré les efforts de leurs notables et de certains parmi les milieux de la noblesse. Ce qui à la fin de la guerre mondiale conduira la Russie à la révolution, et les deux autres empires au démantèlement.

C’est, pourtant, grâce à ces efforts de modernisation ratée, qu’une partie non négligeable des cadres de l’Hellénisme (le Rum milet ou Romioi), ont très tôt essayé d’y participer, aussi bien à Constantinople et à Bucarest, qu’à Vienne, Pest, Moscou et Odessa. Il en résultat une ambiguïté idéologique dont restent encore quelques échos lointains, ainsi que de fort nombreux malentendus historiques sur le rôle des élites grecques.

4. Vu d’ensemble des communautés grecques en 1918.
L’analyse géographique des comptes-rendus des voyages de Karakalos (1894), de Kazazis (1906), ainsi que des rapports se trouvant dans les archives du Ministère des Affaires Etrangères d’Athènes (AEY 1914-1919 B/AAK[17]; AYE 1919 B/38, etc.[18]) nous permet d’identifier, avec suffisamment de précision, la distribution dans l’espace des principales communautés grecques. Ainsi, elle confirme leur implantation dans le Kouban, qui est aujourd’hui l’une des plus riches régions agricoles de la Russie, dont elle fournit le dix pour cent de la viande et du lait, produit extrêmement important dans le contexte actuel de l’économie de transition en Russie. En plus les informations concordent sur le fait que le Kouban regroupe de nouveau de 100.000 à 150.000 Grecs qui retournent de l’Asie Centrale et cherchent à s’y maintenir.

Pourtant, à la suite de M. Bruneau (1992), il nous restait à dresser une image synthétique de la distribution de l’ethnie grecque dans les Russies. Or, il résulte des données que nous avons pu consulter, que les chiffres fournis par Pavlides (1953) nous permettaient de le faire. Cet auteur reproduit la liste détaille des fortunes que les communautés originaires de la Russie réclamaient en dédommagement des confiscations soviétiques. Elles espéraient vainement – pendant plus de trente cinq ans – de bénéficier d’un statut analogue à celui des réfugiés échangés avec la Turquie, après le traité de Lausanne de 1923.

Or, s’il convient d’être prudent sur les chiffres absolus, nous avons, par contre, une image, assez claire, du poids relatif des différentes composantes géographiques de l’Hellénisme de la Russie en 1919; image que nos informations de détail confirment ou éclairent [Voir tableaux dans l’Annexe].Nous avons ainsi pu dresser une carte, faisant apparaître la localisation des communautés et l’importance relative des patrimoines «nationalisés». L’aire de concentration de la mer Noire (Odessa, Crimée, Rostov, Kouban et Géorgie) se dégage très clairement et nous voyons le poids économique démesuré de la communauté d’Odessa.

Fait notable, l’ethnie avait réussi aussi une bonne percée en Sibérie (Kazan, Samara, Irkoutsk). A l’échelle du bassin du Pont Euxin, les foyers d’implantation régionale sont clairement visibles et, encore une fois, la paysannerie de Tsalka, ainsi que les Criméens d’Azov – qui disposèrent de deux territoires autonomes aux alentour de Zdanov (Marioupol) et à Taganrog – ne font pas partie des communautés immigrées qui, elles, comptaient de nombreux citoyens helléniques qui furent les premiers à être touchés pendant les combats que les généraux blancs, avec l’aide des Allies, menèrent contre l’arme rouge. Ajoutons, et c’est important, que la carte de la distribution des communautés grecques sur les régions de la mer Noire en 1919 reproduit, assez fidèlement, l’image que nous avons actuellement de la présence grecque dans ces mêmes contrées.

Nous avons choisi d’aborder l’Hellénisme de la mer Noire dans une perspective de longue durée parce qu’une ethnie est un phénomène humain et culturel de longue dure. Dans notre esprit cependant, cette temporalité doit s’inscrire dans une continuité des séquences chronologiques. Ce qui veut dire que nous devons non seulement remonter la mémoire culturelle vers le temps des origines pour examiner, par exemple, les premières colonies et les premiers emporia que les Grecs ont pu fondes sur le littoral du Pont Euxin, mais qu’il faut aussi disposer, pour comprendre les situations actuelles, d’éléments suffisants sur l’histoire événementielle et sur celle des faits sociaux, économiques et culturels des 16ème, 17ème et 18ème siècles.

Si, comme nous venons de l’indiquer (à l’exception des Roum de Crimée et de Marioupol) l’essentiel des communautés grecques de «toutes les Russies» s’est constitué au cours des deux derniers siècles par des migrations de tout genre de Pontiques et de Grecs venant d’autres régions, il est, peut-être, utile de rappeler l’existence de prédécesseurs qui, avant le règne de Catherine II, s’aventuraient en terre russe et se liaient à l’Orthodoxie moscovite.

Certains historiens ont cru pouvoir affirmer que la consolidation de la présence ottomane dans l’Azov, après le traite du Prout (1711), était une victoire des marchands grecs (17). Nous avons déjà indique qu’en 1672, le chevalier Jean Chardin s’embarquait avec l’aide d’un marchand Grec à Fanaraki (Rumeli Fener) et il confirmait, outre l’existence de Grecs dans Kaffa, leur présence dans le commerce et la navigation triangulaire Constantinople – Crimée – Colchide[19] (1).

L’histoire montre que cette hostilité envers les Moscovites, si elle a vraiment existée, a pu être surmontée au cours des deux siècles suivants. L’appel des terres russes se fit entendre et une émigration, aussi importante que celle qui créa les Diasporas américaine et australienne fit que, le 3 mars 1918 lors de la signature du traité de Brest-Litovsk, le quart des Grecs (quelle que soit la dénomination ethnique que nous leur attribuons) habitaient dans les régions riveraines de la mer Noire. C’était un monde cosmopolite, implante aussi bien dans ses foyers historiques (Thrace, Pont, Bithynie) que dans les colonies de peuplement et les villes côtières de la Russie, et qui disposait d’une très importante composante urbaine (Constantinople, Odessa, Bucarest, Trébizonde, Novorossisk, Marioupol, etc.).

Vingt ans plus tard, en 1938, à la vieille de la deuxième guerre mondiale, à part la minorité de Constantinople que l’on croyait protégée par le traité de Lausanne (1923), il ne restait encore que trois foyers nationaux de Grecs en Union Soviétique. Mais déjà l’ethnie était tombée en disgrâce et il faudra attendre 1980 pour la voir réapparaître sur la scène historique du Pont Euxin.

NOTES
[1] Voir: Ρουμέοι ν’τα κσέβαν αχ του Κριμέγια : Vuihod grekov iz Kruima [Alexaksandr Aschla, Melodia 1988]; Tsalkskix Urum: les Ouroum =(Roum) de Tchalka en Georgie [L. B. Fachaeva].
[2] Karakalos, Vovolinis:494 : «à Taganrog .. la moitié des 12.000 Hellènes sont des sujets russes (ρωσοϋπήκοοι-γραικορώσοι) et 600 ont gardé la nationalité ottomane».
[3] Skalieris 1922:250-51; ils vivaient dans le sandzak d’Erzeroum [Theodosioupolis] et dans les territoires rattaches à l’Arménie russe.
[4]Fotiadis 1990:42; Karpozilos, 1985:104; Delopoulos 1983:269.
[5] Επαρχία Ζικχίας; eglises de Kherson (Χερσώνος), du Bosphore (Βοσπόρου), de Gothie (Γοτθίας), de Sundak (Σουγδαίας), de Foula (Φούλλων) et de Zikkhia Matrakha (Ζικχίας-Ματράχων).
[6] [ff. 2-2v without date ] Spandonis: Syllogae de Lettres patriarcales; Συλλογή Πατριαρχικών Γραμμάτων και άλλων Σχεδίων δια διαφόρους Εκκλησιαστικάς Υποθέσεις, τα τε Μεγάλου Χαρτοφύλακος Σπαντωνή και του Μεγάλου Εκκλησιάρχου Κριτίου, volume B.
[7] Parthenios Metaxopoulos, Παρθένιος évêque de Trapézous (Trébizonde), rapporte l’évènement dans son livre imprimé à Leipzig en 1775, chez Wilhelm Gottlov.
[8] Ignatios Gozadinos de l’île de Kea (1771-1786) dernier métropolite de l’évêché de Crimée Il fut enterré en l’église de Aghios Charalambos de Marioupol.
[9] Karpozilos 1985:100-101; Iliadis 1985:42; Fotiadis 1990:92-93, note 85.
(11) Recensement, composition ethnique de la population, Kiev I, 1991: 3, 44, 57.
[10] Recensement, composition ethnique de la population, Kiev I, 1991: 3, 44, 57.
[11] Bremmer, Ian 1993, Ethnic Issues in Crimea, RFE-RL Research report, vol. 2, no. 18 (30 April).
[12]S. Dascalopoulos et N. Vernicos, Notes de terrain relevées sur les monuments des villages en question.
[13] Journal Kathimerini du 20.8.1995 contient un dossier préparé par ces deux chercheurs du Centre des études grecque de l’Académie des Sciences de Kiev, ils fournissent une bibliographie datant des deux dernières années, avec des titres traduits en grec.
[14] Journal Kathimerini du 20.8.1995 contient un dossier préparé par ces deux chercheurs du Centre des études grecque de l’Académie des Sciences de Kiev, ils fournissent une bibliographie datant des deux dernières années, avec des titres traduits en grec.
[15] Kathimerini du 20.8.1995, p. 25, référence 2.
[16] Godechot, Jacques 1958. «Le Siècle des Lumières» in Histoire Universelle, Encyclopédie de la Pléiade, Nrf p. 271.
[17] Skalieris 1922:250-51; ils vivaient dans le sandzak d’Erzeroum [Theodosioupolis] et dans les territoires rattaches à l’Arménie russe.
[18] Voir: Ρουμέοι ν’τα κσέβαν αχ του Κριμέγια : Vuihod grekov iz Kruima [Alexaksandr Aschla, Melodia 1988]; Tsalkskix Urum: les Ouroum =(Roum) de Tchalka en Georgie [L. B. Fachaeva].
[19] Chardin Jean, 1711 [Voyage de Monsieur le Chevalier Chardin, en Perse et autres lieux de l’Orient, 1711] tome I.

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© 1995 Sophie Dascalopoulou – Vernicos Nicolas

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